Fragments

Quelques noms pris des premières rédactions:

Jean Valjean: Jean Tréjan
Fantine: Marguerite Louet
Cosette: Anna Louet (Alouette)
Marius: Thomas Telbon
Gavroche: Chavaroche, Grimebodin
Eponine: Palmyre
Azelma: Malvina

Autre trait du caractère de M. Gillenormand d'après une note retrouvée dans les papiers de Victor Hugo :
« Il avait eu un cousin très savant entomologiste, l'abbé Gillenormand, que l'empereur Alexandre avait désiré voir, et chez lequel S.M.I. était arrivée trop tard, vu qu'on enterrait l'abbé, mort d'une fièvre attrapée la surveille du jour où S.M. avait jugé à propos de venir. Il était furieux contre ce cousin à cause de cela. Il ne lui avait jamais pardonné d'être mort avant d'avoir reçu la visite de l'empereur de Russie. »

Une note de Victor Hugo porte :
« Il y avait une série de Nicolette. On disait dans la maison :
La nouvelle Nicolette.
L'ancienne Nicolette.
La Nicolette du Directoire.
La Nicolette du temps de Buonaparte. »

Sa fille était un enfant dont nous parlerons tout à l'heure, la seule personne de sa famille qui eût survécu ; c'était une vieille vertu, une prude incombustible, un des nez les plus pointus et un des esprits les plus obtus qu'on pût voir. ...Une certaine dévotion bigote. —Le bigotisme n'est autre chose que la castration de l'intelligence. Les vertus qui en résultent ressemblent à la chasteté d'un eunuque, et ont juste autant de mérite.

Dans une version abandonnée, Victor Hugo, au lieu de faire révéler à Gillenormand le contenu des poches de la petite boîte de Marius fait révéler à Marius le contenu des poches d'une redingote de Gillenormand.
Un jour il [Marius] vit dans la maison une servante qui cherchait M. Gillenormand.
—Que lui voulez-vous ? demanda Thomas. [Marius avait été d'abord appelé Thomas.]
—Monsieur m'a donné un de ses vieux habits, répondit la servante. Il ne s'est pas souvenu qu'il y avait des papiers dans les poches, je le cherche pour les lui rendre.
—Donnez-les moi, dit Thomas, je les lui remettrai.
La servante lui donna les papiers ; Thomas les jeta négligemment dans un tiroir. Au moment où il allait refermer ce tiroir, son regard tomba sur ces paperasses et il reconnut l'écriture de son père.
C'étaient les lettres de son père, les mêmes qu'il avait vu tant de fois M. Gillenormand mettre dans sa poche sans les lire. La curiosité le prit, un autre instinct peut-être le poussa.
—Voyons ce que c'est, dit-il, et il en déplia une qu'il lut.

[...il demanda à Cosette :
—Est-ce que tu ne remettras plus ta robe et ton chapeau, tu sais ? Ceci se passait dans la chambre de Cosette. Cosette se tourna versle porte-manteau de la garde-robe où sa défroque de pensionnaire était accrochée.
—Ce déguisement ! dit-elle. Père, que voulez-vous que j�en fasse ? Oh ! par exemple, non, je ne remettrai jamais ces horreurs. Avec ce machin-là sur la tête, j�ai l�air de madame Chien-fou.]

—Eh bien, reprit Jean Tréjean, donne-les-moi.
—Oh ! je veux bien, père ! s'écria Cosette, mais qu'est-ce que vous en ferez.
—C'est mon affaire.
—Je comprends, père. C'est pour un pauvre.
—Oui, répondit-il, c'est pour un pauvre.
Jean Tréjean se retira ce soir-là de bonne heure. Il emporta « ces horreurs » dans sa chambre, et quand il y fut seul, il prit la pauvre robe de mérinos et le pauvre chapeau de peluche, ces horreurs, les étala sur son grabat avec un douloureux sourire, et les baisa, puis sa tête blanche tomba sur cette défroque, et s'il y eût quelqu'un dans la chambre en ce moment-là, on eût entendu le bon vieux homme pleurer à sanglots. Son coeur crevait : il n'eût pu dire ce qu'il avait... Il éprouvait ce qu'on éprouve devant les vêtements de son enfant mort.
Il serra cette robe et ce chapeau dans une armoire qu'on n'ouvrait jamais, et quand il eut retiré la clef de cette armoire, il lui sembla que c'était une tombe qu'on venait de fermer, et qu'il avait mis là son bonheur.

Victor Hugo avait d'abord songé à faire connaître au père de Cosette, qu'il avait appelé Lebotelier avant de l'appeler Tholomyès, le mariage de son enfant. On a trouvé, dans le dossier des Misérables:

« Nous croyons devoir informer M. Gustave Lebotelier, avoué à Évreux, que sa fille, l'enfant de Fantine, s'appelle maintenant Mme la baronne Telbon, possède vingt-cinq bonnes mille livres de rente, et demeure rue du Hanovre, No. 17, au premier. Un citoyen honorable peut avouer et remplir les devoirs de la paternité vis-à-vis d'une personne ainsi placée. �

La Cougourde (c'est-à-dire la Courge) d'Aix qui « s'ébauchait » devait avoir encore fort peu de membres. Elle en compta environ quatre-vingts sous la Monarchie de Juillet, son président s'appelait alors Prives, elle était « la plus avancée » des sociétés républicaines des Bouches-du-Rhône.

Autour de Courfeyrac qui avait toutes les qualités d'un centre, la rondeur et la rayonnement, se trouvaient plusieurs jeunes gens qui, comme on le verra plus tard, avaient, en outre, un autre lien : Combeferre, qualifié le rageur; Joly, dit Jolly; Grangé qui signait de ce rebus G.; Enjolras, froid, fanatique et triste, avec un teint de femme, un sourire de vierge et les plus doux yeux bleus qu'il y eût au monde; enfin Lègle, qui était de Meaux, et qu'on appelait Bossuet. Excepté Bossuet, tous étaient du Midi.

Sans doute est-ce à Enjolras, que Victor Hugo, dans une note retrouvée, fait tenir le propos suivant:

« Il s'écria:

« Vive la France! il n'y a que la France! L'Espagne est un froc, l'Italie est un linceul. Londres, c'est de l'ennui bâti; la monarchie russe, c'est l'hiver fait gouvernement. »

La chanson de Combeferre ( j'aime mieux ma mère ) est un souvenir de la chanson que chante Alceste au nez d'Oronte, dans le Misanthrope (Ac. I. sc. II):

Si le roi m'avait donné
Paris sa grand'ville
Et qu'il me fallût quitter
L'amour de ma mie,
Je dirais au roi Henri:
« Reprenez votre Paris
J'aime mieux ma mie, ô gué!
J'aime mieux ma mie. »

Les paroles de Grantaire, qui forment deux vers, sont dans la chanson même de Vive Henri IV, que Collé composa pour sa comédie la Partie de chasse d'Henri IV. Voici d'ailleurs tout le joyeux quatrain:

J'aimons les filles
Et j'aimons le bon vin
De nos bons drilles
Voilà tout le refrain.

Un autre plan du chapitre où Marius fait la connaissance des Amis de l'ABC:

Courfeyrac, sur la porte, voit un cabriolet passer sur la place, au pas, et comme indcis. Tiens! pourquoi ce cabriolet va-t-il au pas? Il y regarde et croit reconnaître un visage.

—Monsieur?

—Plaît-il?

—N'est-ce pas vous qu'on appelle Marius Pontmercy?

—Oui.

—Eh bien, je suis du même cours que vous. Il y a trois jours on a fait l'appel, et on vous a marqué absent. Vous savez qu'ils sont rigides maintenant, et qu'après trois absences on raye l'inscription. Quant à moi cela m'est égal, je n'y vais jamais. On me raye mon inscription, mais je suis toujours étudiant. J'ai été renseigné sur votre appel par un ami qui est dans le café.

—Merci, monsieur.

—Je m'appelle Courfeyrac. Où logez-vous?

—Dans ce cabriolet.

—Bah!

—Je suis dans la rue pour l'instant. C'est une histoire comme cela. Je ne sais où aller.

—Venez chez moi, dit Courfeyrac.

Marius descendit et entra dans le café.

—Je vais vous présenter aux amis, dit Courfeyrac.

—Quels sont les amis?

—Regardez et vous verrez, écoutez et vous entendrez.

Marius entra dans la salle réservée. Tous y parlaient et semblaient discuter avec chaleur. Mais avant que Courfeyrac eût pu prononcer un mot et présenter Marius, E..., voyant un étranger, avait froncé le sourcil et fait un signe. Tous se retournèrent vers le nouveau venu. Marius écouta selon l'indication de Courfeyrac, et voici ce qu'il entendit:

—(Ici la partie de dominos.)

Marius n'avait pas consenti à encombrer la chambre de Courfeyrac, mais s'était logé au même hôtel que lui, le trouvant cordial. Le lendemain conversation sur les ressources. —Le surlendemain sur la politique.

Dans le chapitre III, après les mots « au devant de Courfeyrac », le texte des Misères est:

Tiens! dit Laigle de Meaux, tu vas t'enrhumer. Pas de parapluie!

Courfeyrac haussa les épaules. L'école romantique, dont il était, a toujours haï et méprisé les parapluies.

—Un parapluie, fit-il, jamais! plutôt la mort!

—Tu as tort, dit Bossuet, c'est élégant. Tu ne connais donc pas le grand chic anglais, un immense riflard?

 

Fragments

Some names from the first drafts:

Jean Valjean: Jean Tréjean
Fantine: Marguerite Louet
Cosette: Anna Louet (whence Alouette, "lark")
Thomas Telbon
Gavroche: Chavaroche, Grimebodin
Eponine: Palmyre
Azelma: Malvina

Another character trait of M. Gillenormand, according to a note found in Victor Hugo's papers:
"He had a very learned cousin, an entomologist, the Abbé Gillenormand, whom the emperor Alexander had wanted to see, and at whose home His Imperial Majesty had arrived too late--they were burying the Abbé, who had died of a fever he caught two days before the day when His Majesty had judged it best to come. He was furious with this cousin because of that. He had never forgiven him for having died before receiving the visit of the emperor of Russia."

Another of Hugo's notes:
"There was a series of Nicolettes. They would say in the house:
The new Nicolette.
The former Nicolette.
The Nicolette of the Directory.
The Nicolette from the time of Buonaparte."

His daughter was a child whom we will speak of shortly, the only person in his family who had survived; she was an old virtue, an incombustible prude, one of the most pointed noses and one of the most obtuse spirits one could ever see. ...A certain bigoted devotion. Bigotry is nothing else but the castration of the intelligence. The virtues that result from it resemble the chastity of a eunuch, and have just as much merit.

In an abandoned version, Victor Hugo, instead of revealing to Gillenormand the contents of Marius' little box, revealed to Marius the contents of the pockets of one of Gillenormand's frock coats.
One day he [Marius] saw in the house a servant looking for M. Gillenormand.
"What do you want with him?" asked Thomas. [Marius had at first been named Thomas.]
"Monsieur has given me one of his old coats," answered the servant. "He did not remember that there were some papers in the pockets, and I'm looking for him to give them back to him."
"Give them to me," said Thomas, "I'll return them." The servant gave him the papers; Thomas threw them negligently into a drawer. At the moment when he was about to close the drawer, his gaze fell on these old papers and he recognized his father's handwriting.
They were his father's letters, the same ones that he had seen so many times M. Gillenormand put in his pocket without reading them. Curiosity overtook him, and another instinct perhaps drove him.
"Let's see what they are," he said, and he unfolded one and read it.

[...he asked Cosette, "Aren't you going to put on your dress and your hat, you know the ones?"
This happened in Cosette's room. Cosette turned towards the wardrobe where her schoolgirl clothes were hanging.
"That disguise!" she said. "Father, what do you want me to do with that? Oh, the idea! No, I'll never put on those horrors again. With that machine on my head, I look like Madame Mad-Dog."]

"Well," said Jean Tréjean, "give them to me."
"Oh, gladly, Father," cried Cosette, "but what will you do with them?"
"That's my business."
"I understand, Father. They're for the poor."
"Yes," he replied, "they're for the poor."
Jean Tréjean retired early that night. He took "those horrors" into his room, and when he was alone, he took the poor merino dress and the poor plush hat, those horrors, spread them out on his pallet with a painful smile, and kissed them, then his white head fell on these cast-offs, and if there had been somebody in the room at that moment, he would have heard the good old man sobbing. His heart was bursting: he could not have said what it was... He felt as one would feel in front of the clothing of his dead child.
He locked this dress and hat in an armoire which he never opened, and when he had put away the key to this armoire, it seemed to him that it was a tomb he had just closed, and that he had put his happiness inside it.

Victor Hugo had at first thought about making known to Cosette's father, whom he had called Lebotelier before calling him Tholomyès, his child's marriage. This was found in the Les Misérables dossier:

We believe it necessary to inform M. Gustave Lebotelier, solicitor in Evreux, that his daughter, the child of Fantine, is now called Mme la baronne Telbon, possesses an income of twenty-five thousand francs, and lives in the rue du Hanovre, no. 17, on the first floor. An honorable citizen may admit to and fulfil the duties of paternity towards a person thus placed.

The Cougourde of Aix, which "was being outlined," must still have had very few members [in 1828]. Under the July monarchy it comprised about eighty, its president at that time was named Prives, and it was "the most advanced" of the republican societies of the Bouches-du-Rhone.
-Allem

Around Courfeyrac, who had all the qualities of a center, roundness and radiance, were found several young men who, as we will see later, had furthermore another bond: Combeferre, characterized as the furious one; Joly, pronounced 'Jolly'; Grangé who signed his name with the rebus G.; Enjolras, cold, fanatical, and sad, with the complexion of a woman, the smile of a virgin, and the sweetest blue eyes that could have existed in the world; finally Lègle, who was from Meaux, and whom they called Bossuet. Except for Bossuet, they were all from the south.

Without doubt it is Enjolras that Victor Hugo, in his notes, made the following remark belong to:

"He cried out:
"'Long live France! there is nothing but France! Spain is a monk's frock, Italy is a burial shroud. London is built up of ennui; the Russian monarchy is winter made into government.'"

Combeferre's song (J'aime mieux ma mère / "I love my mother more") recalls a song that Alcestis sings on the banks of the Orontes, in "The Misanthrope" (Act I, sc. II).

If the king had given me
His great city of Paris
And I were obliged to leave
The love of my sweetheart
I would say to King Henry,
"Take back your Paris!
I love my sweetheart more, alas!
I love my sweetheart more."

Grantaire's verses, which form two lines, are to the same tune as Vive Henri IV, which Collé composed for his comedy "Henry IV's Hunting Party." Here is the whole happy quatrain:

I loves the girls
And I love good wine
Of our fine games
Here's the whole refrain.

Another version of the chapter where Marius meets the friends of the ABC:

Courfeyrac, at the door, sees a cabriolet pass by in the square, walking, and as though undecided. "Hullo! why is the cabriolet going at a walk?" He looks and thinks he recognizes a face.

"Monsieur?"

"If you please?"

"Aren't you the one named Marius Pontmercy?"

"Yes."

"Well, I'm in the same class as you. Three days ago the professor called roll, and marked you absent. You know that they are strict now, and that after three absences they strike out your name. As for me, I could care less, I never go. They've struck out my name from the roll, but I'm still a student. I was signed up under your name by a friend who is in the café."

"Thank you, monsieur."

"My name is Courfeyrac. Where do you live?"

"In this cabriolet."

"Bah!"

"I'm in the street for the moment. It's a long story. I don't know where to go."

"Come home with me," said Courfeyrac.

Marius got out and entered the café.

"I'm going to present you to the Friends," said Courfeyrac.

"Who are the Friends?"

"Look and you will see, listen and you will hear."

Marius entered the back room. Everyone there was talking and seemed to be debating heatedly. But before Courfeyrac could have said a word and presented Marius, E..., seeing a stranger, had furrowed his brow and made a signal. Everyone turned around towards the newcomer. Marius listened, according to Courfeyrac's advice, and this is what he heard:

(Here, the part about the game of dominoes.)

Marius had not consented to encumber Courfeyrac's room, but he was living in the same building as him, having found him friendly. (The day after next, conversation about resources. The day after, about politics.)

"Hullo!" said Laigle de Meaux, "you'll catch cold. No umbrella!"

Courfeyrac shrugged. The romantic school, to which he belonged, has always hated and scorned umbrellas.

"An umbrella!" he cried, "never! I'd sooner die!"

"You're wrong," said Bossuet, "they're elegant. Don't you know the great English fashion, an enormous parasol?"